Mad-Sonata
pour piano seul
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2005
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17' (version longue)
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10' (version courte)
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Éditions Billaudot
Mad-Sonata est inspiré de Mad Song, un court poème de William Blake mettant en scène un monde tourbillonnant dans lequel un démon en proie à la folie préfère fuir toute forme de lumière et de réconfort pour mieux se vautrer dans son malheur et sa douleur.
Le caractère obsessionnel du personnage est traduit par l'utilisation excessive d'une cellule de quatre notes dont les multiples métamorphoses engendreront tout le matériau mélodique de la pièce, ainsi que l'utilisation de la note mi comme idée fixe guidant le narrateur vers toujours plus de folie. Le langage harmonique, perpétuellement en tension, participe lui aussi à créer un sentiment d'insécurité permanente.
La cellule génératrice est exposée dès le début au travers d'une introduction lente et glaciale qui joue sur les effets de résonance du piano en mêlant suspension et nébulosité. Une accélération mène à l'apparition de la pulsation et l'exposition du thème principal. Les nombreux déséquilibres rythmiques font écho au déséquilibre mental du narrateur, dont la plainte est couverte peu à peu par le gémissement incessant des "vents sauvages" figuré par un ostinato en mains alternées. Le thème principal réapparaît dans le même temps en augmentation dans l'extrême grave du piano tel un grondement oppressant ; la musique accélère encore et devient presque dansante à mesure que le chant de la créature "affole les vents" et "joue avec les tempêtes", puis après une explosion tout s'évapore peu à peu, les résonances s'effacent pour ne plus former que la note mi.
Le caractère brumeux de la musique initiale revient, encore plus déroutant, pour laisser place à une montée inexorable de la mélodie qui oscille entre lyrisme exacerbé et déconstruction virevoltante. Le mi-fixation reprend bientôt le pouvoir à travers une myriade de notes répétées, et mène à une coda composée d'une accélération fulgurante et de déplacements extrêmement violents, miroirs de la douleur frénétique qui accable le personnage à l'idée d'être pénétré de lumière. Un dernier glissando aux deux mains clôt cette sonate virtuose tel un ultime rugissement du démon amoureux de sa propre folie.